HYPERRÉALISME

HYPERRÉALISME
HYPERRÉALISME

La peinture réaliste se propose de déterminer des réalités, d’apprécier le réel. Il fallut attendre le XXe siècle pour voir la science percer des réalités que l’œil humain est incapable de déceler. En conséquence, les œuvres d’art et les courants stylistiques reproduisant les formes d’un réel invisible à l’œil nu furent justement qualifiés de réalistes, comme le furent l’art minimal et l’expressionnisme abstrait lors de l’exposition The Art of the Real , à New York, en 1968. Jusqu’au XIXe siècle, la totalité de la peinture est réaliste car elle montre des choses identifiables par les contemporains. La peinture de la Grèce antique, qui recourait au trompe-l’œil, était réaliste. La qualité du tableau était proportionnelle au degré de perfection de l’illusion, à telle enseigne que le tableau idéal était celui dont on oubliait qu’il était un tableau. Ce n’est qu’après trois mille ans d’histoire de l’art que le terme de réalisme devint un cri de guerre. Depuis Courbet, les controverses relatives au réalisme font rage.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le réalisme s’opposait à son antithèse, l’idéalisme. En 1910, l’avènement de la peinture non figurative engendra une antithèse nouvelle qui domine aujourd’hui encore le débat. Toutefois, en parlant de réalisme, nous délaissons l’alternative peinture non figurative et peinture figurative, et il convient d’étudier les composantes du réalisme élaborées au XIXe siècle: le sens social de l’artiste pour qui le réalisme est une méthode politique et qui se solidarise avec des groupes politiques critiquant la société où ils vivent; la démarche esthétique du peintre qui rassemble des phénomènes susceptibles de renseigner sur l’état de développement social de son temps; la démarche scientifique de l’artiste qui analyse les changements dans les habitudes de perception.

Si nous réduisons le réalisme à la reproduction d’une réalité visible à l’œil humain, il est à la base de toute l’évolution artistique et s’exprime en témoignages vigoureux dans les moments où les mouvements stylistiques menacent de se figer dans le formalisme, où l’aspect plastique est compromis et où l’art dégénère en philosophie (comme à la Renaissance tardive), en jeu intellectuel, apanage d’une élite. À chacun de ses points culminants, il a su se remodeler; de même que nous nous efforçons aujourd’hui de définir les courants réalistes contemporains par des épithètes comme «radical», «urbain», «relativisant», etc., nos devanciers ont qualifié le réalisme du XVe siècle de «gothique», celui des années vingt de «magique». Les tendances réalistes actuelles de la peinture peuvent être rattachées à trois lignes de force historiques qui se dégagent de l’évolution du réalisme depuis le milieu du XIXe siècle: le réalisme sociologique, le réalisme informatif (ou hyperréalisme), le réalisme «abstrait».

Le réalisme sociologique

Le peintre Renato Guttuso, communiste italien, né en 1911, participa aux événements de mai 1968 à Paris et peignit un Giornale murale (Journal mural ), sur du papier d’emballage, qu’il voulait coller sur un panneau d’affichage de la rue de Rivoli. L’observateur contemporain politiquement engagé se passe d’explication: le tableau montre les barricades, la police armée jusqu’aux dents, les travailleurs en train de manifester, brandissant des drapeaux rouges qui ressortent sur le bleu du ciel, l’usine, les gratte-ciel des P.-D.G.; les scènes principales sont encadrées de coupures de photographies tirées des mass media: le représentant de l’État vietnamien exécutant sommairement un Vietcong, la main des policiers sur le revolver, le nègre étranglé, les pieds du cadavre de Che Guevara. La composition et le coloris sont empreints d’un pathétisme baroque. Le tableau ne peut être rapporté à l’année 1968 qu’à la lumière de la référence historique et non au vu de l’évolution de l’art occidental. Il ne se contente pas d’analyser une situation historique mais appelle à une prise de position vis-à-vis de cette situation. En se servant d’un langage déjà admis en 1968 comme art par un très vaste public, Guttuso profite du prestige de l’art pour rendre son message plus percutant.

Le langage de l’art, pour être compris d’un grand nombre, doit être un langage ancien, bien ancré. Le réalisme sociologique demeure jusqu’à présent prisonnier du dilemme de devoir communiquer des messages de notre temps par le truchement de notions tombées en désuétude. Guttuso opte pour un vocabulaire périmé en vertu d’un choix de son libre-arbitre, allant à l’encontre des conceptions de l’évolution de l’histoire de l’art occidentale, de l’avant-garde, alors que dans les pays de l’Europe de l’Est ce choix fut pendant de longues périodes non seulement le résultat d’une esthétique doctrinaire imposée par l’État, mais simultanément, sur le plan de l’histoire du style, la conséquence d’un blocus de l’information et d’un isolement forcé. L’endoctrinement et l’isolement se relâchent dans ces pays lors des années soixante-dix. La première exposition rétrospective d’art contemporain des pays communistes, à Sofia (Bulgarie) en 1973, n’est plus placée sous le signe du réalisme socialiste mais de la peinture réaliste engagée. L’école de Leipzig, qui commence à se cristalliser autour de Wolfgang Mattheuer et de Werner Tübke, se fait le champion d’une ouverture nouvelle aux courants artistiques internationaux actuels.

Tant qu’il n’existera pas de plan valable pour une révision radicale d’une histoire globale de l’art, force nous est d’avoir recours pour décrire les faits artistiques et en faire l’exégèse aux instruments mis au point par les historiens de l’art européens et, à leur suite, américains. Dans cette optique – et uniquement dans celle-là –, jusqu’à présent tout réalisme sociologique est dérivé et périmé, du fait que pour répondre à ses ambitions sociologiques il est contraint d’employer une terminologie traditionnelle. À titre de solution de rechange, il ne lui reste que le vocabulaire des naïfs, art populaire, ou celui de la publicité contemporaine.

Vers la fin des années cinquante surgit un courant réaliste, le pop art et son pendant européen, le Nouveau Réalisme, dont les ferments de critique sociale sont aujourd’hui encore l’objet de controverses. Dans la généalogie des styles, il constituait un rejet de l’expressionnisme abstrait; historiquement, il peut se réclamer de Duchamp et de Dada. Il puise ses motifs dans le domaine des mass media, de la réalité qu’ils traduisent. Le réel n’apparaît ici qu’à titre de citation; l’artiste utilise un matériau qui a subi au préalable des manipulations par les mass media. Le pop art d’Andy Warhol, de Roy Lichtenstein, de Claes Oldenburg et de James Rosenquist n’offre pas de programme sociocritique; pourtant il invente un vocabulaire susceptible de jeter les fondements d’une critique de la société. Le pop art donna ainsi naissance à des écoles de réalisme sociocritique à Paris, en Rhénanie et à Berlin, en Espagne et en Italie. Rafael Canogar, Flavio Costantini, Hans-Jürgen Diehl, Lucio Fanti, Juan Genovés, Equipo Cronica, Siegfried Neuenhausen, Bernard Rancillac, Peter Sorge, Wolf Vostell utilisent ses méthodes et ses contenus formels: ils ne se cantonnent pas dans une indifférence informative, mais adoptent un parti et joignent à la préoccupation de la reproduction celle du matériau imagé reproduit. Le mérite du sociocritique consiste dans le pouvoir qu’a l’artiste individuel de s’affranchir du langage du pop art, tout en demeurant suffisamment explicite pour être compris des groupes qu’il vise et souhaite atteindre.

Le réalisme informatif, ou hyperréalisme

L’hyperréalisme perpétue la tradition de ceux qui, sur commande ou non, portraiturent des femmes belles, dépeignent châteaux ou usines, fixent par l’image le premier vol en ballon, le premier bateau à vapeur, le massacre de rebelles ou l’empereur Maximilien. Il fait prévaloir la signification de son motif sur celle de son œuvre, isolant le motif au sein de la multiplicité qui nous assaille quotidiennement. Ses moyens lui servent à rendre le motif avec tant de clarté et de netteté qu’il soit signifiant, représentatif. Sa volonté plastique l’autorise à s’aider de procédés mécaniques. Il utilise la chambre obscure du XVe au XIXe siècle, puis l’appareil photographique, la caméra et, depuis les années vingt, la projection de diapositives sur un écran. À la passion, au désir de communion du réaliste sociologique, il oppose la mentalité de l’observateur lucide; l’expression de son œuvre est animée par la tension entre le choix rationnel du motif et la peinture hédoniste des anciens maîtres. Il peut pousser la reproduction du motif à un paroxysme d’exactitude hallucinante qui nous apparaît «magique» ou «hyperréelle», il peut au contraire se servir du motif avec une souveraine indifférence comme d’un simple véhicule pour ne rien traiter d’autre que le processus de sa perception.

Richard Estes peint des façades de New York, des stations-service à Las Vegas. Il a photographié les lieux relevés au moyen de la chambre obscure et peints au XVIIIe siècle par Canaletto et Bellotto. Il se sent leur héritier et celui du photographe français de la fin du XIXe siècle, Eugène Atget. Il travaille à partir de photographies, car il lui est impossible de planter son chevalet devant une pompe à essence ou dans une rue de New York. Mais il ne peint pas ces photographies, elles demeurent un simple support, un instrument. Il peint des sujets déterminés qu’il considère comme significatifs: une épicerie et un magasin de fleuriste en qualité d’émissaires réduits de la nature par excellence dans une grande ville dénaturée par excellence; de même, une façade de maison de la fin du XIXe siècle est considérée par l’urbanisme progressiste comme quantité négligeable, mais elle revêt pour l’urbanisme nouveau une importance vitale comme témoin de conscience historique: la station d’essence néo-baroque, art déco, à Las Vegas, se raille du dessin déshumanisé du Bauhaus et réhabilite le désir nostalgique en tant que qualité humaine. Estes peint des matières réfléchissantes: le chrome, l’acier poli, le verre. Il peint des objets vus à travers une vitre. Ce pouvoir réfléchissant sert à créer l’illusion, répond au besoin de l’artiste de rendre l’objet avec une virtuosité captivante où il prend signification. Estes peint des natures mortes où n’évolue aucun être humain, l’air y est limpide, baigné dans une atmosphère raréfiée, lunaire où se conservent des choses historiques qui sont vouées à périr dans l’équilibre écologique des grandes cités.

Les sujets des tableaux de Ralph Goings se situent dans les mêmes conditions atmosphériques. Ils illustrent les great outdoors , les «grands extérieurs», les avant-postes d’une colonisation possible, les espaces libres du nomadisme américain. En rendant les rêves raffinés du citadin démoralisé, Ralph Goings s’attaque aux ambitions clichés inspirées par les mass media aux majorités silencieuses. Avec davantage de netteté que Estes, Goings peint des photographies surpassant l’éclat des ektachromes enchanteurs.

Richard McLean présente comme des perversions les rêves stéréotypes que suscitent les mass media dans les majorités silencieuses. Il expose des reproductions en noir et blanc de photographies des Appaloosa News , revue hippique texane qui publie des photographies des champions avec leurs jockeys et leurs propriétaires entourés de jolies filles en costume de cow-boy, ou bien il colorie les clichés. McLean n’est pas un fanatique des chevaux comme Géricault et ses contemporains anglais. Il avoue être redevable au pop art de cet élément satirique qui transforme les monuments des aspirations bourgeoises en miroirs déformants.

L’hyperréalisme peut mettre en scène une condition humaine qui est celle de l’auteur, que l’auteur souhaite dépeindre comme le symbole d’une grande masse. Un psychologue pourrait expliquer pourquoi Jean-Olivier Hucleux commença, il y a quelques années – à la suite de la mort de sa mère qui lui avait interdit de peindre vingt années durant –, à peindre les tombes d’un cimetière proche de son logis et pourquoi il transforma son appartement en un musée nostalgique de l’époque 1900. L’historien de l’art comprend que Hucleux reproche aux Américains de briller dans les carrosseries étincelantes et se targue d’être sans rival dans la peinture du sable et des mottes de terre. Les hyperréalistes sont des spécialistes, leur travail minutieux les incite à une maîtrise dans l’exactitude du détail. Hucleux veut exposer ses tableaux funèbres dans une pièce obscure avec un éclairage braqué précisément sur les cadres afin de donner l’illusion parfaite, jusqu’au trompe-l’œil, qu’il s’agit de vitrines de cimetière.

Si le tableau réaliste chez Hucleux est l’expression d’un effort d’identification avec son moi, le Suisse Franz Gertsch vit à Berne d’expériences de groupe. Il est lui-même un de ces jeunes décontractés, vêtus de blue-jeans et de blousons de cuir étincelants, qui coquettent avec les Gitans des Saintes-Marie-de-la-Mer, armés de volumineux appareils pour «mitrailler»; ses diapositives en couleurs, prises sous un soleil éclatant, naturel ou artificiel, décrivent la vie sur un mode orgiaque, contemplatif, insouciant, pacifiquement existentiel. Franz Gertsch traduit, dans des peintures gigantesques, la conception de vie de cette génération; il inonde les toiles de couleurs chatoyantes posées directement sans préparation, visant à provoquer chez le spectateur un sentiment d’ivresse dû aux dimensions et au jeu des couleurs.

Les ouvrages de Udo Kultermann et de Peter Sager, cités dans la bibliographie, nous éviterons d’énumérer les artistes; nous définirons donc des positions qu’il est nécessaire de situer dans le temps et dans l’espace. Le «nouveau» réalisme, ou réalisme «radical», est encore aujourd’hui très controversé parce qu’il semble déboîter d’une évolution normale de l’art. Les critiques compétents le voient d’un œil méfiant, car il est en contradiction apparente avec les aspirations de l’avant-garde, confirmant ainsi les attentes d’une petite bourgeoisie internationale; en bref, il connaît une immense vulgarisation. Cette réussite est le fruit de mutations iconologiques. Si l’art des années soixante est l’art de la rue, s’il est une manifestation publique, s’il reflète l’action des mass media et tend à s’exprimer dans les assemblées, à de grands spectacles, en revanche l’art des années soixante-dix se retire en appartements, reflète le décor intérieur, dévoile des messages intimes et crée de sages tableaux de chevalet, substitue la virtuosité artisanale insinuante à l’agressivité de rudes matériaux. L’artiste lui-même s’intègre dans des habitations bourgeoises, regarde prosaïquement par la fenêtre et peint ce qu’il voit.

L’adversaire contemporain de l’hyperréaliste est le réaliste académique historique. Philip Pearlstein, Sidney Tillim, William Bailey notamment en sont les adeptes à New York. Si ce courant poursuit une tradition du réalisme magique des années vingt, la démarche de l’hyperréaliste visant à ressusciter un vocabulaire artistique sclérosé qui vit le jour entre le XVe et le XVIIIe siècle semble plus alarmante. Il s’inspire d’Ingres, de Konrad Witz, de Bellotto et de la photographie. Quand il est américain, il se réclame de ses précurseurs, Edward Hopper, Charles Sheeler et des «précisionnistes» des années vingt, Andrew Wyeth et le Canadien Alex Colville.

Le réalisme abstrait

L’artiste new-yorkais Chuck Close a commenté dans un court métrage la genèse de ses portraits monumentaux: il filme un visage humain, à une distance d’environ dix centimètres, en le parcourant d’en haut à gauche vers le bas à droite en séquences horizontales. Le spectateur saisit chaque détail, mais il lui est impossible de décrire l’apparence du personnage. Close peint ses tableaux en noir et blanc d’après des épreuves photographiques en noir et blanc, il en fait un quadrillage serré et reporte chaque carré sur la toile avec l’exactitude la plus scrupuleuse; pour créer ses tableaux polychromes, il a recours à la séparation des couleurs primaires par sélection photographique: chez un clicheur, il fait imprimer à partir d’un ektachrome des clichés monochromes qu’il reporte ensuite, par exemple d’abord le jaune, puis le rouge, le bleu et le noir. Les sujets sont des relations personnelles que ses amis et son entourage restreint sont seuls à connaître. Il évite d’ajouter à l’importance des personnalités éminentes. Close s’astreint à ce labeur érudit en vue d’éprouver une nouvelle théorie scientifique de la perception développée par le psychologue Anton Ehrenzweig sous la dénomination de dédifférenciation. Il en ressort que l’œil humain ne perçoit pas en premier lieu une «forme» dont il différencierait en un second temps les formes internes, mais, lapidairement, une multiplicité de formes de détail qu’il additionne (dédifférencie) pour constituer l’image d’ensemble. Cette théorie de la perception ne peut être visualisée bidimensionnellement sans recours à la photographie, car la perception binoculaire de l’objet par le spectateur est en tel contraste avec la prise de vue monoculaire de l’objet par l’appareil et sa reproduction sur le tableau qu’elle met en lumière l’idée qui est à l’origine du tableau.

L’Anglais Malcolm Morley, qui vit à New York, peint un hippodrome à Durban, Afrique du Sud, comme s’il voulait se faire l’émule de Claude Monet. Quand l’œuvre est terminée, il trempe un large pinceau dans la couleur rouge et barre la précieuse surface peinte des deux bras d’une grande croix diagonale. Cet X peut être interprété d’abord comme une protestation contre la politique de l’apartheid, mais c’est en fait rien moins qu’une «dévalorisation» esthétique. En effet, le tableau reproduit une affiche publicitaire de la compagnie aérienne Vautours. L’affiche en offset est le produit de clichés offset monochromes tirés d’un ektachrome par sélection et séparation des couleurs; l’ektachrome montre ce qu’un photographe a saisi à Durban. Le réel qu’il a appréhendé est dilué, vidé par les nombreuses multiplications, il n’est plus conservé désormais que comme «cliché», altéré et dévalorisé.

Le peintre Gerhard Richter de Düsseldorf peint d’après des photographies prises par lui ou par d’autres, et expose également des photographies faites d’après ses peintures. «Ce n’est pas d’imiter une photo qui m’importe, dit-il, je veux faire une photo.» Pour lui, en peinture, réalité égale crédibilité, égale authenticité; c’est cette réalité-là que les contemporains, éduqués par les mass media, attribuent à la photographie alors qu’ils la dénient à l’œuvre d’art. C’est ainsi que Richter reporte les photos sur la toile de manière floue, estompe à dessein les contours: on peut identifier la photo, mais elle perd sa crédibilité du fait de l’intervention de l’artiste. Il peignit, en 1972, une série de quarante-huit portraits de visages de célébrités des XIXe et XXe siècles d’après des planches tirées d’un lexique de conversation, et élabora ainsi une nouvelle authenticité, authenticité hybride des sujets du tableau, à mi-chemin entre la photo et l’œuvre d’art.

Les réalistes abstraits se meuvent donc entre deux pôles opposés: la croyance aveugle en la véracité de la photographie (non en celle de l’œuvre d’art) et la vision monoculaire, monofocale fixe de l’objectif (vision binoculaire, périphérique, à foyer dynamiquement mobile de l’œil humain). L’appareil photographique a du monde une perception aléatoire et l’homme une perception orientée.

Nous avons analysé, dans ces trois catégories, les œuvres de quelques artistes peu nombreux en vue d’illustrer notre thèse. Cette subdivision et la citation d’œuvres particulières revêtent une valeur indicative, mais elles ne signifient ni que ces artistes soient les plus importants représentants des nouvelles tendances réalistes de la peinture, ni que les œuvres de tous les tenants de ces tendances se prêtent à la même classification. L’important, à notre sens, est que le réalisme, plus que par le passé, est dicté par une attitude déterminée de l’artiste envers le tableau et le réel que celui-ci reflète. L’artiste doit faire abnégation de son moi derrière son œuvre, se méfier de l’acte créateur qui a son origine dans sa seule imagination personnelle, s’efforcer de «restituer à l’événement photographié son authenticité de pur événement pictural». En rehaussant l’authenticité de la photographie, il interprète l’événement photographique. Il a pour moyens: la précision, la vision proche, une même acuité visuelle, l’exactitude du détail. Il est antiémotionnel, antipsychologique.

Le pop art, en étalant avec une ironie bruyante les perversions de la réalité montrée par les mass media, en s’appropriant même leurs moyens au point d’abandonner une large part des méthodes traditionnelles de l’art, devait fatalement provoquer chez les générations d’artistes qui lui succédèrent des réactions destinées à aboutir à une réflexion intensifiée sur la fonction de l’art dans la civilisation de masse. Dans l’art abstrait, ces réactions se manifestent par une conceptualisation croissante d’expériences visuelles et débouchent sur des recherches esthétiques et sociologiques. Les réalistes des années soixante et soixante-dix non seulement nous contraignent à mettre en relation les univers plastiques visibles du temps présent et à en étudier les illusions dirigées qu’ils produisent, mais ils nous incitent aussi à de nouvelles confrontations avec les courants réalistes dans l’histoire de l’art et dans des domaines géographiques et sociologiques où nous n’avions pas discerné ni admis l’art comme moteur agissant.

hyperréalisme [ ipɛrrealism ] n. m.
• 1971; de hyper- et réalisme
Courant artistique d'origine américaine, représenté par des peintres, des sculpteurs, des graphistes qui s'efforcent de reproduire minutieusement la réalité en s'inspirant notamment des effets des procédés photographiques. L'hyperréalisme en peinture. « l'hyperréalisme [...] ne fait que répliquer le plus visible » (J.-F. Lyotard).

hyperréalisme nom masculin Courant des arts plastiques apparu aux États-Unis à la fin des années 1960, et caractérisé par une interprétation quasi photographique du visible, avec ou sans intention critique. ● hyperréalisme (synonymes) nom masculin Courant des arts plastiques apparu aux États-Unis à la fin...
Synonymes :
- photoréalisme

hyperréalisme
n. m. Mouvement pictural contemporain visant à reproduire minutieusement la réalité.

hyperréalisme [ipɛʀʀealism] n. m.
ÉTYM. V. 1972; d'après l'angl. des États-Unis, de hyper-, et réalisme.
Didactique.
1 École de peinture issue des États-Unis, qui privilégie les procédés liés aux illusionnismes figuratifs, en s'inspirant notamment des effets des procédés photographiques.
1 L'hyperréalisme est à la mode, l'hyperréalisme attire les foules. Le jour du vernissage de l'exposition « Hyperréalistes américains », la galerie des Quatre-Mouvements (…) était trop petite pour accueillir les visiteurs venus admirer ces nouvelles merveilles (…)
A. Fermigier, in le Nouvel Obs., 6 nov. 1972, p. 22.
2 (Le travail de peindre) ne consiste pas du tout à créer un objet, pas du tout à interpréter la nature, pas du tout à faire voir l'invisible; au contraire dans l'hyperréalisme il ne fait que répliquer le plus visible, le moins naturel (photos, affiches) et le déjà donné.
J.-F. Lyotard, Des dispositifs pulsionnels, p. 112.
2 Rare. Réalisme extrême (en littérature, en philosophie).
3 J'entends m'en tenir à un réalisme qui ne rejoint le fantastique que par un paroxysme de précision et de rationalisme, par hyperréalisme, hyperrationalisme. C'est
peut-être l'occasion de prendre position face au surréalisme, celui des écrivains et celui des peintres.
M. Tournier, le Vent Paraclet, p. 111.
DÉR. Hyperréaliste.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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